Chronique de Kodjo Epou : Braderie par acclamation
6 min readPar Kodjo Epou
Suite au bradage de la BTCI, une vente illicite qui fait l’objet de l’actualité au Togo, nous rediffusons la présente chronique de Kodjo Epou, publiée il y a un an. Bonne lecture.
Un matin, les Togolais vont se réveiller sans leur pays. Emporté par les créanciers. Déjà, on se demande ce qui en reste des propriétés de l’Etat. La réponse, ces jours-ci, abonde dans la presse. Il nous est décrit une réalité glaçante, plutôt ahurissante. Le patrimoine national fait l’objet de braderie tous azimuts, de détournement à tour de bras. A tout casser. Comme à la foire. Tout y passe. Hormis, ironise un habitué du cirque des liquidations … hormis le tchouk, le sodabi, les viandes de chien, de serpent et de varan et bien sûr … la prostitution à gogo. Le Togo est vilement cédé à des tiers. Par ordonnances. Parfois à main levée dans un parlement monochrome. Même pas aux plus offrants. Mais aux premiers enchérisseurs. Ce qui est annoncé au peuple cache un juteux business, très complexe, configuré en toile d’araignée. Les dividendes et les bénéficiaires? Comme l’autorisent nos organes de contrôle, les frères siamois – judiciaire et législatif – la famille Gnassingbé peut tout prendre, tout vendre. A son bon plaisir. Et, avec une parfaite tranquillité, savourer l’aubaine dispensée par la république bananière.
On épuise nos ressources vitales, en bandes organisées et, après, on en privatise les restes. L’assemblée des législateurs se contente d’accompagner, sans prendre la peine de savoir ce que deviennent ces puissants Togolais qui saignent à blanc nos sociétés d’Etat. D’ailleurs, le peuvent-ils, ces députés? Sachant qu’ils représentent le néant dans un palais Chinois, impossible pour eux de voter des lois contre la misère, de rappeler à l’exécutif que l’anarchique dilapidation des biens publics ne doit plus prospérer. Faure Gnassingbé, le curieux président que rien n’obstrue, a donc les coudées franches pour happer le beurre, l’argent du beurre et la culotte de la crémière. C’est à satiété. En quinze ans, le Togo a subi une profonde déformation et son peuple, abusé, résigné, a l’air d’un féru des fers qui l’oppriment. Mais, nul n’a besoin de trop creuser pour découvrir, derrière ce pays d’apparence normale, l’une des plus effroyables jungles des temps nouveaux sous les tropiques. Dans les hautes sphères, personne n’est ce qu’il paraît. Tout le monde fait semblant et pratique la nouvelle norme: devenir riche en mentant. C’est une quête individuelle, une course contre la montre collective. Pendant que cette maladie du corps social qu’est la misère se propage, les multi-milliardaires ont pignon sur rue. Derrière leurs apparâts princiers, une ruine abyssale sous une nation abîmée jusque dans ses murs porteurs.
Le Togo traîne une dette astronomique égale à 85% de son PIB et présente la triste réputation d’être le plus endetté de l’espace CEDEAO. Un pays en constant besoin d’argent frais qu’il n’a pas. A cause de la corruption endémique, sans commune mesure avec la taille du pays. Aucun des criminels, pas un seul, n’est sous les verrous. Il suffit d’être un docile louangeur de la « suprématie familiale ». C’est là que le bât blesse. Le Togolais en a les veines gonflées de colère. Il est blessé, il est fatigué, il est fâché de devoir vivre les cauchemars de ses aînés ou parents sous Eyadéma. Mais il reste impuissant. Le pays qu’il a en partage avec de rudes pilleurs est devenu un enfer sur terre. Là-bas, on tue, de sang froid, comme dans les films fictions du Far-West américain. Là-bas, on vend tout, sans sourciller, comme dans les contrées reculées de non-droit colombiens. Voilà le mal Togolais, Voilà le théorème fondateur de la gouvernance de Faure.
Au total, un long chapelet de biens publics livrés à un bradage systématique, à l’appétit gourmand de la famille que jouxte une coterie de coquins fieffés. Les télécommunications sont passées entre les mains des Malgaches, raille t-on, pas d’Antananarive mais de Djidjolé. Le port de Lomé est franco-chinois, le stade de Kégué est exclusivement chinois, les phosphates israéliens, le port est français, copieusement pompé par Bolloré, la BIA est marocaine, les parcs à contenaires et de dépôts de vente de voitures d’occasion sont libanais de même que les grandes surfaces et les supermarchés, les bâtiments commerciaux et le commerce au grand marché relèvent de l’exclusivité des pays sahéliens notamment Nigériens, Maliens, Burkinabé, la brasserie est du ressort des Français, la BTCI et l’UTB sont des sociétés privatisée, détenues par les étrangers. Et maintenant, depuis cette semaine, les singapouriens ont mis la main sur l’ancienne SOTOCO.
La liste, malheureusement, n’est pas exhaustive, si l’on sait aussi que la plage et son sable, les hôtels, les carrières de clinker cimentière, la mine de manganèse de Nayega etc … sont concédés, en réalité derrière portes closes, à des étrangers, malgré les cris de colère des populations qui, elles, sont réduites à végéter dans la plus aiguë des pauvretés qui existent. Comment peut-on guérir le mal du pays si on a une assemblée qui ne peut pas enquêter pour voir comment sonder les plaies? Séna Alipui et les gens de son espèces peuvent-ils répondre à cette question de bon sens?
Gnassingbé Faure nous renvoie l’image d’un président par défaut qui ne sait pas pourquoi il occupe son poste. Est-il encore opportun qu’il prête serment au début de ses mandats? Visiblement, l’homme a une idée très limitée de l’État. Comment dire la chose autrement lorsque les spectaculaires accusations de bradage des biens du pays qui remplissent les journaux n’émeuvent guère notre président? Nul ne lui demande de supprimer la souffrance dans tous les foyers (la souffrance est une loi de la nature) mais de la circonscrire, l’amoindrir, la diminuer, la limiter. Il est question que les législateurs et gouvernants y songent. Sans cesse. Ils sont payés pour accomplir ces possibles; et tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas accompli.
Il ne faut pas se voiler la face, le peuple Togolais, quels que soient ses exploits antérieurs, demeure un peuple faible qui semble accepter de tirer le diable par la queue et de danser à longueurs des ans devant des buffets vides. C’est, possiblement, la raison pour laquelle Faure Gnassingbé a le culot de manipuler les richesses du pays comme un jardinier ses pommes. C’est aussi pourquoi, des énergumènes transgenres comme le honteux et virtuel député, Séna alipui, qui n’a que le néant pour base électorale ou fief, peuvent insulter notre peuple à la radio le matin et, le soir, aller dormir bonnement dans leur lit comme si aucune offense vengeable n’a pris place entre le lever et le coucher du soleil.
Kodjo Epou
Washington DC
USA
2 juillet 2020